Bibliothèque d'Arvida : un patrimoine polonais tombé dans l'oubli
Une collection de 126 livres polonais, un héritage de l’importante communauté polonaise établie dans la région au cours des années 50, repose oubliée dans le sous-sol de la bibliothèque d’Arvida.
Le responsable des bibliothèques de l’arrondissement de Jonquière et membre du Comité du patrimoine du secteur Arvida, Luc Lepage, questionne l’intérêt d’une éventuelle remise en circulation de la collection de 126 livres polonais. Photo: Geneviève Tremblay
La collection a été constituée au moment où plusieurs immigrants polonais ont été embauchés par la compagnie Alcoa Power dans les années vingt et, quelques années plus tard, par Alcan. «Ça a été le Klondike pour le Saguenay. Tout le monde arrivait dans la région parce qu’il y avait de l’argent à y faire», explique le responsable des bibliothèques de l’arrondissement de Jonquière et membre du Comité du patrimoine du secteur Arvida, Luc Lepage.
De ces immigrants, beaucoup étaient des Polonais fuyant la guerre pour trouver refuge au Canada. Mise sur pied en mars 1957 à la bibliothèque d’Arvida pour répondre à la demande des Polonais, souvent des ingénieurs et des gens très cultivés, la section polonaise a gagné en popularité. «La colonie polonaise était assez forte, se souvient Paul-Eugène Lemieux, ancien directeur de la bibliothèque d’Arvida. Les livres s’achetaient en Pologne pour presque rien. On avait convaincu la Ville de nous donner des sous et les livres, ils se louaient.»
Si cette initiative a pu voir le jour, c’est en partie grâce au Consulat polonais de Montréal, qui a versé pendant plusieurs années une subvention à la bibliothèque d’Arvida pour l’achat de livres en Pologne. À cette époque, la responsabilité de la collection incombe à la bibliothécaire polonaise Halina Sujkowska. Selon la cote de chacun des livres, qui ont pu être comparées avec les cotes du système de classification actuel de la bibliothèque d’Arvida, les 126 livres polonais se diviseraient en traités de santé et de plantes, en biographies, en quelques contes polonais et en plusieurs romans.
Avec la disparition de la communauté polonaise et l’intérêt déclinant pour la collection, les livres ont cependant été retirés de la circulation pendant les années soixante. La collection est désormais rangée sur quelques étagères dans le sous-sol de la bibliothèque d’Arvida. Résultat, les usagers ne peuvent maintenant plus les emprunter, ni même les consulter.
Luc Lepage questionne toutefois l’intérêt d’une éventuelle remise en circulation de la collection, expliquant qu’il faudrait pour cela un personnel qualifié afin de retracer tous les livres polonais et rédiger la notice catalographique de chaque volume. «Si on trouvait une base de données en Pologne, en théorie on devrait retracer tous les titres. Mais le travail est immense», estime-t-il.
Selon le directeur, les livres ne sont pas utiles pour la bibliothèque et pourraient être utilisés à bien meilleur escient. L’Université Laval aurait été intéressée à redonner vie à la collection, mais une éventuelle collaboration n’a jamais été relancée. Dans la région, la Société historique du Saguenay et le Centre d’archives du Saguenay–Lac-Saint-Jean pourraient cependant voir dans ces livres polonais un patrimoine considérable, car la communauté polonaise a contribué à fonder la ville d’Arvida.
Des discussions sont d’ailleurs en cours pour redonner à la collection la visibilité qu’elle n’a plus. «Le Comité du patrimoine du secteur veut faire connaître les différentes communautés qui ont fondé Arvida», explique Luc Lepage. La collection de livres polonais pourrait ainsi être remise en valeur, puisqu’elle témoigne de l’importance de la communauté polonaise par rapport aux autres nationalités présentes dans la région dans les années 50.
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